Retrouvez la vidéo de cette interview sur notre compte instagram : clouée_editions

" Ce sont les rapports humains que je mets au service de l’aventure et de la narration. Je ne veux pas faire quelque chose purement documentaire, je veux que mes livres parlent à tout le monde et qu’il y ait ce côté populaire dans mon travail"

 

  • Clouée - Bonjour Victor, nous sommes vraiment ravies de te recevoir. Peux-tu nous parler de toi et ton parcours ?

Victor Le Foll - Je suis arrivé à Paris en 2017 après une scolarisation en art appliqué en Bretagne. Je me suis lancé dans des études d’illustrations en bande dessinée à Auguste Renoir. J’ai terminé mes études depuis 2 ans et je me suis lancé en tant que jeune homme actif dans la bande dessinée.  

 

  • Comment tu t’es orienté vers ce métier d’auteur ? Quel a été le déclic pour t’orienter sur la bande dessinée ?

Depuis petit, je me suis toujours dit que je ferai de la bande dessinée. Dans un premier temps, je pensais le faire en parallèle d’un autre métier, dans l’agriculture ou l’agronomie. Puis finalement, je me suis décidé à faire uniquement des études en art et en illustration pour devenir auteur de BD.

 

  • D’où viennent tes influences artistiques ? Tes origines et la culture bretonne influencent-elles ton approche artistique ? 

Pour le triptyque, l’inspiration est bretonne mais également pour des projets sur lesquels je travaille actuellement. Sinon, au quotidien, mes influences sont très vastes. Mes sources d’inspiration peuvent provenir des lectures de mon enfance ou des artistes plus contemporains comme Nicolas de Crécy ou Fréderic Pillot. Des rencontres que je fais aussi.

 

  • Tes lectures d’enfance semblent aussi avoir eu un impact sur ton univers graphique (je pense notamment à Astérix) ? 

Petit, ma mère me lisait tous les Astérix, et cela a eu un impact très fort. Cela faisait vraiment partie de mon quotidien en termes de lecture, avec les livres jeunesse de l’École des loisirs. On avait des abonnements avec l’école. J’ai toujours lu énormément de livres illustrés si bien que c’était plus compliqué de lire des romans. J’étais monomaniaque avec Astérix et j’ai été influencé car ce sont devenu mes références très tôt. Plus que Tintin d’ailleurs qui me faisait moins rigoler qu’Astérix. Quand on est enfant, même si on ne comprend pas toutes les blagues, le dessin est drôle… juste les bagarres … (rires)   

Extrait de "Astérix et le combat des chefs" de Goscinny & Uderzo

 

  • Ton 1er livre « le bestiaire de maman» est un bel hommage à la figure maternelle qui endosse tous les rôles, toutes les postures dans un univers pétillant, haut en couleurs, avec une émotion qui saisit le jeune (et moins jeunes) lecteur.  Quel a été ton rôle dans la conception de ce livre ?

J’ai écrit le texte et l’histoire mais c’était un travail partagé. J’ai proposé des idées visuelles à Jeanne Sterkers car j’aime beaucoup rajouter des pointes d’humour dans le dessin. Mon rôle était plus rapide dans la création car c’est Jeanne qui a réalisé des illustrations et qui a travaillé les mises en page. Mes amis avec qui je travaille en tant que scénariste me consultent pour des idées sur des thématiques précises. Pour ce livre précisément, nous avons eu l’idée ensemble. Lors d’une balade, Jeanne et moi discussions de ces livres enfant trop maternisant : une maman est forcément douce, gentille, câline… Mais parfois les mamans s’énervent, sont super badass, et pas du tout fragile. L’envie de faire quelque chose de différent !

 

  • Est-ce une envie de ta part de te consacrer à la littérature jeunesse ? 

J’ai toujours adoré la littérature jeunesse. Puis, quand je fais une BD, il y a toujours un moment où je me dis : « et si je faisais un gros livre jeunesse avec du texte et des images. » Ce sont des moments où je m’éloigne de la narration séquentielle car j’ai envie de travailler des grandes illustrations. Finalement un peu ce que je fais avec vous. Mais je reviens toujours à la BD. Quand je travaille seul, une idée pour un livre jeunesse finit toujours par devenir une BD. Il faut que je travaille en binôme pour que cela reste un livre jeunesse. Pourtant, petit, avec mes abonnements à l’École des loisirs, j’avais un nouveau livre par mois. J’ai découvert Claude Ponti, Catharina Valckx… beaucoup de livres qui m’ont profondément marqué et qui marquent encore d’ailleurs les nouvelles générations.  

 

"Beaucoup de facteurs m’ont donné envie de dessiner, beaucoup de personnes m’ont encouragé à poursuivre mon apprentissage, m’ont poussé à me consacrer à la BD (...) C’est en fait une vraie entreprise familiale …"

 

  • Qui t’a transmis cette passion du dessin et l’envie d’en faire ton métier?

Beaucoup de facteurs m’ont donné envie de dessiner, beaucoup de personnes m’ont encouragé à poursuivre mon apprentissage, m’ont poussé à me consacrer à la BD. Les premiers dessins marquants sont ceux de mon père enfant. C’étaient des énormes fresques avec des collages de feuille. C’était tentaculaire. 

Il a grandi dans les Monts d’Arrée en Bretagne à une époque où l’agriculture était en train de se moderniser. On passait de fermes familiales à des grands modèles d’exploitation, qui sont d’ailleurs encore plus impressionnantes aujourd’hui. 

Lui, il a été témoin avec ses parents, ses grands-parents d’un monde qui a un peu disparu. Cela me fascinait de voir qu’il avait consigné cela et les rapports humains à travers ses dessins avec un univers visuel complétement dingue. Mes parents étaient enseignants et j’ai toujours grandi à la campagne. Mais, petit, je n’avais pas de poule, pas de vache. C’était frustrant ! Je jalousais mon père qui avait connu tout cela. J’ai eu la chance de connaître mes arrière-grands-mères qui ont pu me témoigner certaines choses. Mon père était véritablement acteur de tout cela et je trouvais cela fascinant d’avoir réussi à projeter ces images. C’est le premier truc qui m’a donné l’envie de dessiner. 

Ma mère m’a beaucoup encouragé à dessiner. Elle apportait le papier calque qui me permettait de reproduire la BD. J’avais tous les albums d’Astérix et j’avais un gros problème car je les reproduisais tous. Et puis, au bout d’un certain temps, quand il n’y a plus de papier calque, il faut dessiner soi-même. Après avoir dessiné 15000 fois Obélix, je savais le faire seul. Et puis elle me lisait toutes les BD d’Astérix. 

Ma grand-mère dessinait beaucoup et elle m’a toujours encouragé. Nous faisions des sessions de dessins ensemble l’après-midi, nous essayions de comprendre comment dessiner telle ou telle chose. Elle m’encourage encore aujourd’hui d’ailleurs. Et mon autre grand-mère aussi qui m’achetait des livres de maquettes, des jeux de constructions qui me permettaient de redessiner les maquettes.  

C’est en fait une vraie entreprise familiale … (rires)… 

Mon père et mon grand-père avaient un don pour raconter des histoires fascinantes, détaillées et des personnages qu’ils ont consigné avec une mémoire impressionnante. Ces histoires vécues ou entendues participent à la transmission.    

 

  • L’une des caractéristiques de ton travail c’est un dessin authentique, généreux avec mille détails, une subtilité dans l’utilisation de la couleur, l’émotion de tes personnages, avec toujours une petite pointe d’humour et d’ironie. Peux-tu nous en dire plus sur la technique que tu utilises et sur ton style ?

Concernant l’humour, l’ironie et les détails, j’ai toujours aimé observer les gens autour de moi, que ce soit ma famille ou mes amis. Je m’inspire toujours de mes rencontres ou mes connaissances, de la façon dont ils s’expriment, ils se tiennent. 

J’aime cette diversité entre tous mes personnages et ils ont toujours des personnalités très fortes.  Cela amène des dialogues assez croquignolesques. 

Pour les dessins et mon univers, je m’adresse à tous les publics : qu’il soit enfant ou adulte et que cela fasse rire tout le monde. Car je suis tourné vers l’humour. En référence, j’ai des auteurs qui dessinent parfaitement avec la profusion des détails, les constructions d’images assez sophistiquées et complexes. J’aime que l’on puisse s’attarder sur les décors, les détails… qu’il y ait pleins de petites histoires dans les histoires. 

En lisant Astérix, par exemple, il y a toujours des détails, des choses qui se passent en arrière-plan. Il y a la maîtrise du dessin et la composition des décors qui est parfaite.     

Cette idée de projeter les images que l’on a dans sa tête est vraiment fascinant. On peut tout créer quand on sait dessiner. Et d’ailleurs tout le monde peut dessiner. On s’invente une histoire, un lieu qui nous plaît… c’est motivant dans le processus de création. 

Je travaille sur une BD située sur un île avec des pêcheurs et c’était important de tout visualiser : son architecture, les rues, les objets. Ce sont des flashs, des idées de couleurs, d’ambiance, etc… et cette volonté de se projeter sur le papier comme-ci je peux circuler dans le dessin. Et rencontrer les personnages comme des voisins et c’est ça qui motive la création.

 

Détail de l'illustration "Enfin, le port !" en précommande jusqu'au 31 août 2022
  • Quelle est l’étape dans la création que tu affectionnes le plus et celle qui à l’inverse est la plus compliquée à réaliser ?

Il n’y a rien que je n’aime pas dans le processus de création. 

De la phase d’écriture où j’ai toutes mes idées qui s’entremêlent, il faut savoir faire du tri. Ce n’est pas facile mais ce moment est particulièrement stimulant car il faut tout noter pour ne pas en perdre une miette. J’aime quand c’est dense et quand on exploite au maximum le potentiel du récit. C’est une phase longue. 

Ensuite, le storyboard est une étape géniale car on dessine en petit format et les compositions sont parfaites. Puis, j’agrandis mon storyboard et je passe au crayonnés en mettant les détails au propre. C’est très satisfaisant d’avoir un crayonné tout clean. 

Pour finir, je passe à la partie peinture avec toutes les émotions, les couleurs qui vont transpercer le dessin. Ce n’est pas simple mais j’aime toutes ces étapes.  

 

  • Peux-tu nous dire quelques mots sur tes prochains projets artistiques ? 

J’ai projet en édition, en bande dessinée, un gros projet que j’aborde sur le monde de la pêche. Une bande dessinée et des livres ciblés jeunesse. 

 

  • Tu es à la double casquette : scénariste et dessinateur. C’est un avantage pour réaliser une BD ? 

C’est un gros avantage car on a le droit de s’énerver envers soi-même et il y a peu d’impact. C’est aussi énormément de travail car il faut penser à tout. J’ai souvent envie de faire les deux en même temps ce qui n’est pas possible et qui donne du fil à retorde. On commence à écrire, à dessiner, à peindre, puis il faut redessiner car on a, entre temps, réécris… Donc il faut être minutieux dans son approche. Je connais des illustrateurs qui font cela au feeling. Moi, j’ai besoin de tout écrire au préalable, tout storyboarder, tout crayonner, puis tout peindre.   

Cela amène parfois de la redondance mais c’est de cette façon que j’écrirai un bon livre j’espère … (rires)… 

J’ai appris à écrire des scénarios avec Astérix et en lisant les synopsis de René Goscinny. Il n’y a pas de dessin et donc il s’agit de faire un premier synopsis général puis on découpe page par page, case par case. C’est un sacré travail pour les dialogues et l’écriture qui donne le ton. La tonalité passe par le texte.  

 

  • Peux-tu nous parler des émotions que tu ressens lorsque ton dessin est terminé et à quel moment tu actes qu’il ne nécessite plus aucune retouche ?

Les émotions ressenties sont, à certains moments, presque de l’euphorie, le fait d’être heureux de dessiner, un moment de rigolades. Quand j’ai une idée de scène, je découpe les cases et je prépare une séquence spéciale et je me marre tout seul. Ce sont véritablement les meilleurs moments, ceux qui sont fluides. 

J’ai dessiné, par exemple, un facteur qui est poursuivi par des goélands, qui tombe dans les escaliers, qui se prend un os de chien, qui passe par-dessus l’escalier … quand j’imagine cette scène, je n’ai pas l’angoisse de le faire. 

Mais parfois, j’ai du mal à redessiner une tête de personnage qui ne me convient pas… C’est mon côté maniaque. 

Le travail de scénarisation vient tout seul mais cela peut être très embêtant car entre mon idée et la réalisation, cela arrive d’avoir une autre idée. Difficile après de raccrocher les wagons… (rires) Par exemple, sur la BD sur laquelle je travaille, au début mon intro tenait en une page… puis le rythme est effréné avec pleins de personnages qui arrivent dans tous les sens. C’était important d’avoir une introduction qui plonge dans l’histoire. Du coup, j’ai rajouté 10 pages supplémentaires… Au lieu de partir sur un album qui fait 100 pages, il en fait 3 fois plus ! Mais c’est comme cela que je tire ma satisfaction au projet et c’est ce qui me donne envie de le faire tant qu’il n’y a pas la contrainte de le faire.  

 

Palette de Victor Le Foll 

  

  • Qu’est-ce que tu ressens devant cette fameuse page blanche ? Comment tu surmontes le doute et l’angoisse ?

Des doutes, il y en a forcément un peu mais j’en ai plus sur la mise en peinture à la fin. Est-ce que la couleur va correspondre à l’ambiance que j’ai envie de mettre ? 

Finalement c’est plaisant car je me retrouve à faire des choses différentes que j’imaginais au début et cela amène un autre ton au récit. 

La mise en couleur amène les doutes. Jeanne m’a donné des conseils pour peindre car au démarrage je faisais de l’aquarelle, c’est moins lisible. Avec la gouache, tout de suite, on a une certaine opacité. 

Cela m’a davantage ramené à ce que fait Frédéric Pillot même si je suis un ver de terre à côté. Il a une maîtrise parfaite de la peinture, de la lumière, des ombres. Pour l’instant, la façon dont je travaille les ombres et les lumières, c’est un peu fantastique avec des couleurs surréalistes ! Cela amène de la fantaisie au récit qui peut parfois avoir des allures de témoignage, un peu documentaire…  

La couleur va amener un aspect à la Terry Gilliam, ce sont des couleurs chatoyantes, magnifiques. On dirait que tout a été peint, les décors sont somptueux avec un côté carton-pâte. Les éclairages donnent des ombres incroyables, Terry Gilliam touche à pleins d’émotions différentes : les cauchemars, le rêve, la fantaisie. 

 

  • Quelles sont tes routines de travail ? A quel moment de la journée as-tu le + d’inspiration/ où es-tu le plus productif ? 

Aucune routine, c’est complétement anarchique en ce moment parce ce qu’il y a beaucoup de choses qui se mélangent. Mais, à une époque, quand j’avais encore une routine… entre septembre et janvier, j’ai travaillé sur les crayonnés de ma bande dessinée, c’était de grandes journées de travail. Je m’arrêtais pour cuisiner, pour lire. Mais les routines de travail c’est : on travaille tant qu’on peut ! On s’arrête quand on en a marre ! 

 

  • La Bretagne semble être une source d’inspiration importante pour toi. Tu dessines avec tant de détails, d’humour et de subtilité cette région tournée vers l’océan. Le lecteur devient ainsi spectateur de cette nature sauvage, à la météo capricieuse et contemple les pêcheurs. Qu’est ce qui te fascine dans ce métier ?

Je pense que cette histoire est liée à mon père. Il était le témoin direct de quelque chose qui disparaissait. Je suis jaloux de cela. J’ai eu la chance de connaître mes arrière-grands-parents qui ont pu me parler des conserveries en Bretagne. Aujourd’hui c’est complétement modernisé. C’étaient les fermes en centre Bretagne pour mon père. 

Et moi, je travaille sur le monde de la pêche. C’est arrivé à la suite du décès de mon grand-père, des souvenirs ont ressurgi. Je me suis dit que je n’avais jamais été témoin direct mais j’ai collecté des témoignages, des histoires de voisinages pleines d’émotions, de tous ces pêcheurs, ces hommes, ces femmes. 

J’ai de la chance d’avoir été au plus près de ce que ma génération peut l’être. J’ai envie d’en faire quelque chose. J’aime les histoires d’aventures donc j’ai déformé ce que l’on m’avait raconté mais j’ai conservé la base. 

J’ai pleins d’idées de projets différents avec la vie politique notamment dans les petits villages bretons car c’est ce que je connais. Ce n’est pas que la Bretagne qui m’inspire, ce sont les gens que je côtoie. Leurs histoires sont rattachées à la Bretagne mais j’aurai été Basque, Corse ou Parisien, cela aurait été pareil. 

Ce sont les rapports humains que je mets au service de l’aventure et de la narration. Je ne veux pas faire quelque chose purement documentaire, je veux que mes livres parlent à tout le monde et qu’il y ait ce côté populaire dans mon travail. 

Je ne suis pas pêcheur, je n’ai pas le pied marin mais tout ce qu’on m’a raconté sur le monde de la pêche c’est plus que de l’aventure. Mon grand-père était mousse, jeune matelot et pêcheur pendant quelques années et mon arrière-grand-père a fait ce métier toute sa vie. C’est de l’ordre du rêve pour moi. Je le rattache à des témoignages mais ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu malheureusement. Il y a de la frustration mais en même temps c’est source de fantasmes et de rencontres. 

 

"Ces artistes amènent leurs subtilités, leurs couleurs, leurs ambiances. Ils sont les témoins de leur époque, j’y puise mon inspiration car il y a déjà tout un vocabulaire graphique qui existe avec ces peintures et ces artistes. Ensuite j’adapte en fonction de ma sensibilité et mon style". 

 

  • Quelle place accordes-tu à la documentation et au travail de recherche dans l’élaboration d’un album ?

Depuis mon enfance, tous les témoignages et les souvenirs que j’ai collecté, sont consignés dans ma tête. La documentation principale, ce sont les gens avec qui j’ai pu discuter que ce soit dans le monde de la ferme ou de la pêche. Les deux univers se mélangent. Tous les petits récits sur les moissons, les journées de travail, sur la préparation des campagnes de pêche, toutes les routines de vie c’est mon matériel de base. Ce ne sont pas des photos mais du vécu. 

Il y a des choses que l’on m’a dit mais qui nécessite de la recherche. Quand on me raconte que l’on brûlait le goémon sur la plage, je sais que cela se faisait mais je ne savais pas qu’il y avait des fours à goémon sur la plage. Pleins de choses techniques dont je ne connais pas le fonctionnement. C’est à ce moment que je puise dans les livres un nombre d’informations importantes.

Un ami de mes parents, historien à Douarnenez, a écrit des livres remplis de cartes postales. Ils sont une source de documentations incroyables. Il y a souvent de la mise en scène sur ces photos qui simplifie la compréhension du fonctionnement. En l’occurrence, pour les goémons, il s’agit d’un gros marché pour les familles de pêcheurs, notamment les enfants qui allaient ramasser ces algues et les faisaient brûler à destination des usines de conserveries. 

C’est chose technique, j’ai besoin de les comprendre que ce soit par de l’écrit, de la photographie, des documentaires, des musées. Je travaille actuellement sur un projet sur les égouts de Paris et j’ai regardé énormément de documentaires pour m’imprégner de l’histoire, de l’ambiance. 

Au-delàs de cela, les peintures des artistes qui travaillent sur des sujets identiques vont être une source de documentation importante. C’est peut-être ce travail qui m’inspire le plus, comme Henri Rivière qui est venu peindre en Bretagne, à Pont-Aven. Il a été le témoin direct. Ces artistes amènent leurs subtilités, leurs couleurs, leurs ambiances. Ils sont les témoins de leur époque, j’y puise mon inspiration car il y a déjà tout un vocabulaire graphique qui existe avec ces peintures et ces artistes. Ensuite j’adapte en fonction de ma sensibilité et mon style. 

Il y a 3 dossiers dans ce travail de documentation : ce que je sais déjà, ce qu’on me raconte, ce que je dois chercher. Pour finir, le témoignage des artistes sur le même sujet. Ces artistes peuvent aussi venir du monde de la bande dessinée. 

 

Peinture à l'aquarelle réalisée à Pont Aven de Henry Rivière 

 

  • Nous sommes fières que tu collabores à notre première thématique « Le goût de la vie et la soif du vivant."                                          Qu’est ce qui t’a plu dans ce projet ? Qu’est-ce que cette thématique t’évoque ?

Cela fait longtemps que je n’avais pas travaillé sur des illustrations parce que je fais de la bande dessinée donc tout est en case. C’est stimulant de travailler sur 3 grandes illustrations et de raconter une mini histoire. 3 grandes illustrations c’est aussi plein de détails que l’on peut mettre dessus et on se focalise uniquement sur ces 3 actions. Ensuite le thème… même si je n’ai jamais beaucoup de difficulté à trouver de l’inspiration, cela m’a tout de suite évoqué des scènes de retrouvaille. Étant donné que je travaille actuellement sur des projets en lien avec la pêche, j’avais envie de travailler sur ce domaine. Et de me focaliser sur un instant de cet univers-là, qui sont les retrouvailles. Mes personnages reviennent de campagne de pêche. Ce sont des choses que me racontaient mon grand-père. Ce sont des histoires et des souvenirs que lui comptaient son père : des retrouvailles après de longues campagnes en me de quelques jours, quelques mois. Cela devait être assez émouvant et c’est ce que j’ai voulu retranscrire pour ce triptyque.      

 

  • Parle nous du processus créatif du triptyque… Comment l’as-tu pensé et imaginé ? Quelle est son histoire ?

Quand je dessine des planches de bande dessiné, c’est toujours humoristique. Je me suis donc dit que c’est génial de tomber sur la blague dans une grande illustration. De loin, il n’y a aucune blague de visible mais il suffit de se rapprocher pour se rendre compte que sur chacune des pages, il y a un gag. À partir de là, je voulais un gag par illustration et en même temps il faut qu’il y ait une fin, une chute. C’est comme cela que j’ai écrit mon histoire. 

Le pêcheur revient au port en pensant à sa femme. Sa femme qui l’attend au port pense à lui. C’est la touche amusante. 

La seconde case, on les voit sortir avec une blague du mousse qui dit avoir pêché une baleine alors qu’il s’agissait d’une sardine. 

Sur la dernière case, c’est une scène de retrouvailles avec les copains avec la perspective d’aller boire un coup tous ensemble. J’ai intégré une bulle dans chaque illustration qui vient apporter ce gag visuel.

 

Les 3 illustrations en précommande  

 

  • Et justement la dernière chose que tu aies encadré et accroché ?

Je vais encadrer énormément de choses puisque je vais déménager. J’ai énormément d’illustrations de mes collègues et camarades illustrateurs.  

 

  • Quel est l’artiste qui te cloue le bec ?

Il y en a tellement mais si je peux faire un lien avec mon travail actuel, ce serait Frederic Pillot qui me cloue le bec sur chacune de ses nouvelles peintures.

Peinture de Frederic Pillot, Pirates

 

  • Un film, une série, une bande dessinée, un livre qui te clouent au lit ?

Le film que je peux revoir une centaine de fois, c'est "Les aventures du baron de Münchhaussen" de Terry Gilliam. Hilarant, j'adore !

J'ai découvert la série de Fanny Sidney qui s'intitule Brigade mobile. Elle se déroule en Auvergne avec envol de tableaux et un assassin sanguinaire qui sévit dans la région. Un personnage haut en couleurs, assez drôle.

Ma BD c'est évidemment un Astérix. Plus particulièrement "Astérix et le combat des chefs". Absolument génial tant sur le dessin que sur l'histoire. Tout est parfait : le dessin, les décors, les personnages, l'humour, le pastiche.

Mon livre de chevet c'est Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas et la série aussi. Personnages drôles et attachants. Il y a aussi évidemment l'histoire de France, de l'aventure et le voyage.      

             

 

Un grand merci à toi, Victor pour ce super moment ! 

Audrey, Victor & Mathilde