"J’aime beaucoup cette thématique qui correspond à quelque chose de festif, de joyeux, à un moment de détente, à un lâcher-prise. Il est question de la fête, de se retrouver ensemble, de laisser son corps libre, de mouvement. Cela me parle beaucoup".
  • Clouée : Pouvez-vous nous parler de vous et votre parcours ?

Maguelone Du Fou : Je suis illustratrice, pour la presse et l’édition principalement. Après mon bac, j’ai passé une année à l’atelier de Sèvres, puis j’ai intégré l’école Estienne à Paris, en illustration.

À ma sortie de l’école, j’ai commencé quelques missions en freelance et parallèlement je suis devenue graphiste pour une agence de communication. J’ai décidé de me mettre en freelance à temps plein un peu plus tard. Au départ je faisais beaucoup de graphisme. Peu à peu que je me suis consacrée exclusivement à l’illustration (pour l’entreprise principalement). Au bout de quelques années, je me suis posé la question de travailler pour la jeunesse… Il y a une plus grande liberté artistique. J’ai illustré mon premier album en 2016 et plusieurs autres depuis.

 

  • Comment vous êtes-vous orientée vers ce métier d’autrice ? Quel a été le déclic pour vous diriger vers l’illustration des albums jeunesse ?

Je ne parlerai pas de déclic car mon envie est venue doucement. J’aime ouvrir toutes les portes possibles. J’aime beaucoup l’univers du livre. J’ai pris le temps de comprendre comment on travaille pour l’édition. C’est toujours une joie de commencer un nouveau projet.

 

  • D’où viennent vos influences artistiques ? Est-ce que le Luberon influence votre approche artistique ?

C’est vrai qu’il y a une très belle couleur dans le Luberon mais je ne sais pas si c’est vraiment cela qui m’influence. Je travaillais déjà en couleurs avant.

Je suis influencée par le travail de Sempé mais je crois comme beaucoup d’illustratrices et d’illustrateurs. Son regard plein de tendresse sur les choses qui l’entourent, sa technique et son travail ont infusé le mien pendant plusieurs années.

J’aime beaucoup le travail de Kirsten Sims. J’aime ses personnages colorés, c’est vivant et il y a une justesse au niveau de la couleur.

Matisse est aussi une source d’inspiration. C’est magistral et puissant.      

 

Illustrations tirées du livre Enfance de Sempé, éditions Denoël 
  • Qui vous a transmis cette passion du dessin et l’envie d’en faire votre métier ?

Je ne viens pas d’une famille d’artistes, même si mon père faisait un peu de la peinture. J’ai découvert le dessin au collège, je crayonnais sur mes cahiers.

Puis je me suis inscrite à un cours de dessin au lycée, c’est là que j’ai découvert des outils et techniques dont je ne connaissais même pas l’existence. Je me suis dit que c’était ce métier que je voulais faire, tous les autres métiers me paraissaient beaucoup moins amusants.

 

  • Votre univers joyeux et vivant aux couleurs chatoyantes nous émerveille. Vos illustrations sont emplies de tendresse et de belles valeurs démontrant une imagination débordante et un sens de l’observation d’une nature envoutante. Pouvez-vous nous en dire plus sur la technique que vous utilisez et sur votre style ?

Je travaille avec une technique traditionnelle. J’utilise toujours un peu les mêmes outils : de l’encre, de la gouache, des crayons, des pastels. Je les choisis vraiment en fonction de la couleur. C’est elle qui me fait choisir mon médium plutôt que le médium en soi. Quand je vois une belle couleur, je cherche à l’utiliser dans mon travail.

J’ai essayé les tablettes numériques mais je préfère le papier et sentir la matière.

Je commence toujours un croquis au crayon pour faire ma composition et mes personnages. C’est une étape importante de mon travail et j’y consacre beaucoup de temps. Puis je passe à la couleur. Je commence par l’encre (aquarelle, acrylique…) avant de rajouter d’autres médiums en fonction de ce que je veux mettre dans mon dessin. Je ne me freine pas trop …

 

Ensemble, écrit par Élodie Perraud-Soubiran & illustré par Maguelone Du Fou, éditions Le grand Jardin 2022

"À un moment l’équilibre est bon, et quand ce moment arrive je me sens vraiment satisfaite. C’est assez chouette de se dire que tout fonctionne !  C’est un petit feu d’artifices intérieur". 

 

  • Quelle est l’étape dans la création que vous affectionnez le plus et celle qui à l’inverse est la plus compliquée à réaliser ?

La phase de croquis reste importante car c’est à ce moment précis que je cale tout ce qui doit se passer dans l’image.

Mais j’aime beaucoup le passage en couleurs, c’est vraiment là où je m’amuse. C’est sympa de réfléchir aux couleurs que l’on va mettre sur son dessin, j’y suis très sensible. Avoir un croquis est important pour moi car cela me permet d’être libre pour la mise en couleurs, de ne plus réfléchir à la composition du dessin. Je me concentre juste sur l’équilibre des couleurs entre elles.

Peut-être que la préparation du fichier pour l’impression est moins excitante pour moi. La numérisation, le nettoyage de l’image, le travail de photogravure. 

 

  • Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos prochains projets artistiques ?

J’ai quelques beaux projets en cours : l’écriture et l’illustration d’un album jeunesse. (C’est la première fois que j’écris). J’ai des projets éditoriaux qui arrivent.  Et je viens de signer avec un agent donc nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve.

 

  • Pouvez-vous nous parler des émotions que vous ressentez lorsque votre dessin est terminé et à quel moment vous actez qu’il ne nécessite plus aucune retouche ?

Je suis perfectionniste donc il faut que je me force à arrêter. Je trouve qu’il y a toujours quelque chose que je peux mieux faire ou à rajouter dans l’image.

À un moment l’équilibre est bon, et quand ce moment arrive je me sens vraiment satisfaite. C’est assez chouette de se dire que tout fonctionne !  C’est un petit feu d’artifices intérieur.

 

  • Qu’est-ce que vous ressentez devant cette fameuse page blanche ?

L’angoisse de la page blanche est quelque chose qui fait très peur quand on commence une carrière d’illustrateur. Mais ensuite, quand on a une commande, on n'a pas le choix. Si je manque d’inspiration, j’ai quelques ficelles à tirer. Par exemple, il vaut mieux parfois que je sorte et que je fasse autre chose : marcher, voir des amis, boire un café etc… Puis quand je me remets au travail, je sais que l’inspiration sera là.

La page blanche, pour moi, c’est aussi super excitant car tout est à créer. Il y a pleins de possibilités. Je ne sais jamais à quoi va ressembler un dessin avant de le faire.

  • Quelles sont vos routines de travail ? A quel moment de la journée avez-vous le + d’inspiration/ ou êtes-vous le plus productif ?

Je ne crois pas avoir des routines de travail. Je n’ai pas vraiment de moment où l’inspiration vient plus qu’à un autre. Cela dépend de pleins de facteurs : la fatigue, le thème, le délai du projet. Inspirée ou pas, je me mets à ma table de travail tous les jours. Je n’attends pas nécessairement l’inspiration pour me mettre à travailler.

 

  • Nous sommes fières que vous collaboriez à notre 2ème thématique « Si on dansait … ? ». Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ? Qu’est-ce que cette thématique vous évoque ?

J’aime beaucoup cette thématique qui correspond à quelque chose de festif, de joyeux, à un moment de détente, à un lâcher-prise. Il est question de la fête, de se retrouver ensemble, de laisser son corps libre, de mouvement. Cela me parle beaucoup.

J’aime l’idée de Clouée de proposer un triptyque et de composer trois images sur un même thème. Cela donne plus de possibilités, pour explorer plus en profondeur un thème, étendre mon travail et aller plus loin.    

 

  • Parlez-nous du processus créatif du triptyque… Comment l’avez-vous pensé et imaginé ? Quelle est son histoire ?

J’ai réfléchi à différentes pistes : au départ, je voulais représenter des danseuses emblématiques. J’ai pensé à Loïe Fuller, Joséphine Baker et je cherchais à la manière dont j’allais les mettre en scène.

J’ai changé d’idée, j’ai eu envie de dessiner une fête dans la nature, dans un endroit assez ouvert et libre. Il y a des personnes, des animaux. Il y a des choses qui se passent hors cadre que l’on peut imaginer. Une diversité des mouvements de danse des personnages.

 

  • C’est la première fois que l’on nous propose une scène unique !

Le triptyque est intéressant car il questionne sur la continuité de son dessin. J’aime bien l’idée qu’une illustration puisse exister seule mais aussi être un élément dans une composition plus large.

  

  • Quel est l’artiste qui vous cloue le bec ?

Il y en a beaucoup ! J’en ai déjà parlé plus haut, mais j’aime beaucoup le travail de Kirsten Sims. Je l’ai découverte par hasard et j’ai été soufflée par son travail. Elle est sud-africaine, elle peint à l’huile ou à la gouache. C’est très libre. Elle a à la fois une technique profondément ancrée mais qu’elle arrive à laisser de côté pour avoir une vraie liberté dans son geste. Je trouve son travail magnifique.

 

 

The Supper Club (2019) de Kirsten Sims
  • La dernière chose que vous ayez encadrée et accrochée ?

Une digigraphie de Louise Gouët.  

 

 Illustration de Louise Gouët "Swanage UK"
  • Un film, une série, une bande dessinée, un livre qui vous clouent au lit ?

Cold War de Pawel Pawlikowski. C’est un film en noir et blanc qui raconte l’histoire d’un amour impossible. Il y a une belle photographie.

Cette année, j’ai lu Martin Eden de Jack London. C’est un livre que je n’avais jamais lu et qui est intéressant quand on est créateur.

 La vengeance du Comte Skarbek de Grzegorz Rosinski, l'auteur de Thorgal. Dans cette bande dessinée, il y a un traitement de la couleur remarquable et un scénario haletant qui fonctionne parfaitement. c'est un grand format, j'adore. 

Maid (de Molly Smith Metzler). C’est l’histoire d’une jeune femme qui essaie de se sortir d’une relation toxique avec le père de sa fille et de reconstruire sa vie.



 

 

  • Quelle est le sentiment que vous ressentez en imaginant vos illustrations accrochées au mur chez nos clients, faisant ainsi partie de leur quotidien ?

C’est toujours chouette de savoir que nos illustrations vont avoir une deuxième vie, qu’elles vont servir à quelqu’un. Si cela apporte un sourire ou de la joie, ou autre chose, c'est tant mieux !

 

Merci Maguelone pour ce moment de partage !