Mon choix d’orientation a été guidé par les personnes superbes qui y étaient et qui m’inspiraient (...) Et c’est là que j’ai eu le déclic des livres. L’envie de devenir autrice est venue aussi de mes lectures. Ce métier se construit au fur et à mesure, tu fais un peu de commandes, de presse, des cours de dessin. Tout est progressif. Et puis à un moment tu te retournes, et tu réalises que ça y est, tu es autrice pour de vrai."
  • Clouée :Peux-tu nous parler de toi et ton parcours ?

Clara Hervé : J’ai fait une formation Art Appliqué au lycée Auguste Renoir à Paris. Puis, dans la foulée, un DMA illustration pendant deux ans, dans cette même école. Ensuite, les Arts décoratifs en illustration de Strasbourg pendant 4 ans. 

 

  • Comment tu t’es orientée vers ce métier d’autrice ? Quel a été le déclic pour vous diriger vers l’illustration des albums jeunesse ?

Cela n’a jamais été très clair. Petite, tu rêves d’être archéologue, vétérinaire… un peu moins d’être autrice de bande dessinée. Petit à petit, je me suis orientée vers les choses qui me faisaient envie, au plus proche. Je ne me suis jamais dit au lycée « je veux faire de la bande dessinée ». En revanche, mon choix d’orientation en DMA illustration a été guidé par les personnes superbes qui y étaient et qui m’inspiraient. Aux Arts déco, je suivais le parcours des étudiants qui étaient dans des classes supérieures. Et c’est là que j’ai eu le déclic des livres. L’envie de devenir autrice est venue aussi de mes lectures. Ce métier se construit au fur et à mesure, tu fais un peu de commandes, de presse, des cours de dessin. Tout est progressif. Et puis à un moment tu te retournes, et tu réalises que ça y est, tu es autrice pour de vrai.



  • D’où viennent tes influences artistiques ? Qui t’as transmis cette passion du dessin et l’envie d’en faire ton métier ?  

À l’origine, tous les enfants dessinent de manière naturelle. Après c’est le regard que les autres portent sur tes dessins qui te fait continuer ou pas. Mes parents m’ont toujours encouragée, mon frère dessinait aussi beaucoup des scènes de batailles. Nous racontions des histoires à travers nos dessins. En primaire, tu comprends que tous les enfants ne continuent pas à dessiner et donc j’ai eu naturellement le rôle de la personne qui dessinait dans la classe. C’était ma particularité. Sur le moment, tu ne t’en rends compte. 

C’est à travers mes lectures que j’ai puisé mon inspiration : Quentin Blake, Jiri Salamoun, Franquin dont je suis fasciné par son trait et son mouvement, Sempé, Catherine Meurisse.

Et ensuite je m’inspire aussi des collègues, des camarades de classe, Chloé Faller de mon atelier. Ce sont aussi mes amis qui me donnent envie de dessiner. 

 

Peux-tu nous en dire plus sur la technique que tu utilises et sur ton style ?

Je fais mon trait à la plume et à l’encre de Chine, il y a un côté un peu nerveux avec ce medium. Même si c’est un processus assez pénible car il faut régulièrement remettre de l’encre. Ce qui est bien avec l’encre de Chine, c’est qu’elle résiste à l’eau et à la lumière. 

Je fais énormément de carnets… j’ai toujours le même modèle. Mais le type de papier vient de changer, et je ne peux plus les utiliser comme je le faisais avant. C’est bien triste ! Du coup, je suis à la recherche de mon nouveau carnet préféré car je ne me sens pas bien avec ce nouveau papier… 

Mon utilisation du carnet est assez instinctive, j’en fais sans réfléchir. C’est à l’école que l’on commence vraiment à l’utiliser. C’est une bonne base de données, de personnages, de contexte. Lorsque j’ai préparé mes dessins pour Biscoto, je replonge dans mes carnets pour trouver l’inspiration. 

Quant à mon style, c’est toujours plus facile d’en parler d’un point de vue extérieur. C’est difficile d’en parler... J’ai un trait un peu vibrant, en mouvement.       



  • Quelle est l’étape dans la création que tu affectionnes le plus et celle qui à l’inverse est la plus compliquée à réaliser ?

Pour la bande dessinée, la partie la plus complexe est d’écrire un scénario et de découper le storyboard. Dans le dessin, je dirai le crayonnés et le cadrage. J’aime dessiner en écoutant de la musique mais, là précisément, il faut que le silence règne. J’ai besoin de me concentrer. Du coup, la partie la plus agréable c’est celle qui suit. J’aime faire le trait. Juste dessiner …

Ma partie préférée c’est véritablement de faire du carnet, c’est juste pour moi, il n’y a pas de but. C’est agréable cette liberté !   



  • Peux-tu nous dire quelques mots sur vos prochains projets artistiques ? 

J’aimerais écrire une histoire longue. J’ai déjà travaillé sur des formats courts, de 8 pages mais j’ai l’envie de faire une bande dessinée. J’ai déjà mon idée … il y aura des animaux, de l’aventure et la mer… 

J’aime dessiner les animaux car c’est universel.   

 

« Grand froid » m’évoque la montagne enneigée, la nature, les animaux, les chalets, de la buée… J’ai adoré dessiner les petites fumées. C’est la première fois que je dessine de la neige ! C’était stressant car je me demandais « Comment on fait ? »

C’était très agréable car il ne faut qu’un trait. Donc merci Clouée car j’ai appris à dessiner de la neige grâce à vous …"  

 

  • Peux-tu nous parler des émotions que vous ressentez lorsque ton dessin est terminé et à quel moment tu actes qu’il ne nécessite plus aucune retouche ?

J’ai beaucoup changé entre ma période étudiante et aujourd’hui. Avant, je recommençais 3 voire 4 fois le même dessin car il y avait des éléments qui me perturbaient. Puis, je me disais que j’étais finalement la seule à voir ces éléments gênants dans la case. 

Maintenant, c’est contre nature mais je dessine en oubliant mes pensées perfectionnistes. J’attends le lendemain pour regarder mon travail. Cette distance me permet plus d’objectivité dans mon travail.  



  • Quelles sont tes routines de travail ? 

C’est angoissant de travailler la nuit, je me souviens des moments à l’école où j’étais en retard. C’était une situation de stress. J’ai besoin de temps pour bien travailler… ne pas être pressée même si je peux travailler rapidement. J’aime travailler le matin. Dès que j’ouvre les yeux, je me remémore le travail à effectuer sur mes planches de BD et je me projette sur mon travail du jour. Ce temps est précieux dans mon processus créatif car il se passe beaucoup d’étapes avant mon arrivée à l’atelier (le petit déjeuner, la douche, mon trajet à vélo, le café, les bonjours). Lorsque je me pose devant mon bureau, j’ai déjà réfléchi en amont à mon travail.      



  • Nous sommes fières que tu collabores à notre 3ème thématique « Grand Froid ». Qu’est-ce qui t’a plu dans ce projet ?  Qu’est-ce que cette thématique t’évoque ?

J’ai aimé faire vivre des images dans un autre contexte et dans un autre lieu où j’ai l’habitude de les voir. L’illustration se retrouve souvent dans la presse, c’est moins institutionnel que la peinture. C’est très dur de lui trouver de la valeur même si cela change aujourd’hui. L’illustration est fonctionnelle que ce soit dans la bande dessinée ou pour transmettre une idée. Je trouve cela formidable de les faire vivre et de les regarder comme des œuvres d’art, encadrées ce qui leur donnent un côté précieux. 

Il y a aussi une ouverture, il n’y a pas de case : Clouée doit pouvoir s’accrocher dans une chambre d’enfant comme dans une entreprise. Cela nous rassemble tous que cela touche un enfant comme un adulte au travail, nous avons la même sensibilité. 

Dès l’annonce de la thématique, il faisait très froid genre -10°C à Strasbourg. C’est marrant car j’ai su tout de suite ce que j’allais dessiner. C’était très clair même si je me suis demandé si ce n’était pas trop caricatural. L’école m’a aussi appris que ma première idée était souvent la bonne, mon instinct va vers l’idée la plus évidente, la plus forte. Je fonctionne de cette façon. 

« Grand froid » m’évoque la montagne enneigée, la nature, les animaux, les chalets, de la buée… J’ai adoré dessiner les petites fumées. C’est la première fois que je dessine de la neige ! C’était stressant car je me demandais « Comment on fait ? »

C’était très agréable car il ne faut qu’un trait. Donc merci Clouée car j’ai appris à dessiner de la neige grâce à vous …         



  • Parle-nous du processus créatif de ton illustration… Comment l’as-tu pensé et imaginé ? Quelle est son histoire ?

J’aime parler du quotidien. Le petit déjeuner reste mon moment préféré de la journée. Toutes mes histoires commencent par un début de journée, rarement la nuit. Je voulais faire 3 moments de la journée bien distincts, cela va m’aider à faire des ambiances colorées différentes mais liées par l’histoire et le cadre. Dans cette histoire, il n’y a pas de rebondissement. Nous sommes spectateurs d’un enfant chat qui part à l’école. J’avais d’ailleurs presque envie de montrer l’école… j’ai dû extraire des moments de sa journée mais j’aurai pu en choisir d’autres. Pour le coucher de soleil, j’ai privilégié le côté paysage que l’on contemple. Ensuite, pour Étoiles, j’avais envie de mettre un feu, de réunion et de l’amitié.       

   

  • Quel est l’artiste qui te cloue le bec ?

Anna Haifisch, une artiste, illustratrice, sérigraphe allemande.

Post instagram Anna Haifisch Illustrations d'Anna Haifisch -  2022

  • Un film, une série, une bande dessinée, un livre qui te clouent au lit ?

Les Glaneurs et la glaneuse d'Agnès Varda

P’tit Quinquin de Bruno Dumont,

tous les Gaston Lagaffe de Franquin,

Mémoire d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir

 

Les glaneurs et la glaneuse - Agnès Varda  gaston lagaffe Franquin 



  • La dernière chose que tu as encadré et accroché ?

Une toute petite gravure d’Oriane Brunat, issue de son dernier livre Beaucoup beaucoup beaucoup paru chez l’Articho

 

  • Quelle est le sentiment que tu ressens en imaginant votre illustration accrochée au mur chez nos clients faisant ainsi partie de leur quotidien ?

J’espère qu’elles rempliront leur rôle d’images : être le point de départ d’histoires et d’imaginaire! 

 

Merci Clara pour cet échange !